• "La dette publique" Marx ("Capital" livre 1) et Balzac

    "La dette publique" Marx ("Capital" livre 1)

    Par KARL MARX* :
    "La dette publique marque de son empreinte le capitalisme. La seule partie de la prétendue richesse nationale qui entre réellement dans la propriété collective des peuples modernes, c’est leur dette publique. Il n’y a donc pas à s’étonner de l’idée que pour la classe dominante, plus un peuple s’endette, plus il s’enrichit. Le crédit, voila le credo du capitalisme !
    La dette publique devient un des leviers les plus puissants de l’accumulation du capital. Par un coup de baguette magique, elle dote l’argent par nature improductif et le convertit ainsi en capital : sans qu’il ait à subir les risques inséparables de sa transformation éventuelle en marchandise.
    Les acheteurs de dettes publiques font une bonne affaire car leur argent métamorphosé en bons du Trésor faciles à vendre, continue généralement à fonctionner entre leurs mains comme autant d’argent liquide. Pour les intermédiaires financiers entre le gouvernement et les capitalistes ces sommes sont un capital tombé du ciel. La dette publique alimente, les marchés financiers, la spéculation, et le système bancaire moderne.
    Dès leur naissance, les grandes banques affublées du nom de banques publiques ou nationales, n’étaient que des associations de spéculateurs privés s’établissant à côté des gouvernements et, grâce aux privilèges qu’ils en obtenaient, prêtaient l’argent du public. L’accumulation de dettes publiques a pour mesure infaillible le volume et le cours des emprunts d’État émis par ces banques.
    Comme la dette publique est assise sur le revenu public, qui doit en payer le remboursement et les intérêts, le système moderne des impôts est le corollaire obligé des emprunts et donc des dettes publiques. Les emprunts permettent aux gouvernements de faire face aux dépenses extraordinaires sans que les contribuables s’en ressentent immédiatement mais ils entraînent à leur suite une augmentation des impôts.
    La fiscalité moderne, dont les impôts indirects sur les objets de première nécessité forment le pivot, renferme donc en soi un germe de progression automatique. L’influence délétère qu’il exerce sur la situation des salariés s’est accompagnée historiquement de l’expropriation massive et forcée des paysans, des artisans, et des autres éléments de la petite classe moyenne. C’est la cause première de la misère des peuples modernes.
    Dettes publiques, exactions fiscales, régime colonial, protectionnisme, guerres commerciales, etc. Ces rejetons de la fin du XVIIe siècle prennent un développement gigantesque lors de la naissance de la grande industrie au XIXe siècle. Voilà ce qu’il en a coûté pour dégager les « lois naturelles et éternelles » du capitalisme. Ne dirait-on pas que l’humanité est un séjour de damnés ? C’est avec des taches de sang sur une de ses faces que l’argent est venu au monde. Le capitalisme vient au monde en transpirant de la tête aux pieds, la sueur et le sang."
    ( ce texte est un extrait du dernier chapitre du livre 1 du Capital de Karl Marx*.)


     

    "La dette publique" Marx ("Capital" livre 1) et Balzac


    Balzac, "Le faiseur" (théâtre)


    "LE FAISEUR"

    "Est-il un seul État en Europe qui n'ait ses dettes ?

    Quel est l'homme qui ne meurt pas insolvable envers son père ? il lui doit la vie, ne peut pas la lui rendre. La terre fait constamment faillite au soleil. La vie, Madame, est un emprunt perpétuel !"

     


     

    acte I, scène 6. 23

    Madame Mercadet.

    Croyez-vous, Monsieur, que je sois indifférente à vos tourments,
    à votre lutte et à votre honneur ?...

    Mercadet.

    Eh bien ! ne jugez donc pas les moyens dont je me sers. Là,
    tout à l'heure, vous vouliez prendre vos domestiques par la douceur; il fallait commander... comme Napoléon, brièvement.

    Madame Mercadet.
    Ordonner, quand on ne paie pas !...

    Mercadet.
    Précisément ! on paie d'audace.

    Madame Mercadet.
    On peut obtenir par l'affection des services qu'on refuse à...

    Mercadet.

    Par l'affection ! Ah ! vous connaissez bien votre époque !
    Aujourd'hui, Madame, tous les sentiments s'en vont, et l'argent
    les pousse. Il n'y a plus que des intérêts, parce qu'il n'y a plus
    de famille, mais des individus ! Voyez, l'avenir de chacun est dans
    une caisse publique ! Une fille, pour sa dot, ne s'adresse plus à sa
    famille, mais à une tontine. La succession du roi d'Angleterre était
    chez une assurance. La femme compte, non sur son mari, mais sur
    la caisse d'épargne ! On paie sa dette à la patrie, au moyen d'une
    agence qui fait la traite des blancs ! Enfin, tous nos devoirs sont
    en coupons ! Les domestiques, dont on change comme de chartes,
    ne s'attachent plus à leurs maîtres ; ayez leur argent, ils vous sont
    dévoués !...

    Madame Mercadet.

    Oh ! Monsieur, vous si probe, si honorable, vous dites quelque-
    fois des choses qui me...


    Mercadet.

    Et qui arrive à dire, arrive à faire, n'est-ce pas ? Eh bien ! je
    ferai tout ce qui pourra me sauver, car (il tire une pièce de cinq
    francs) voici l'honneur moderne !... Ayez vendu du plâtre pour
    du sucre, si vous avez su faire fortune sans exciter de plainte,
    vous devenez député, pair de France ou ministre !
    Savez-vous pourquoi les drames, dont les héros sont des scélérats, ont tant
    de spectateurs ? C'est que tous les spectateurs s'en vont flattés,
    en se disant : — Je vaux encore mieux que ces coquins-là...
    Mais moi, j'ai mon excuse. Je porte le poids du crime de Godeau.
    Enfin, qu'y a-t-il de déshonorant à devoir ?
    Est-il un seul État en Europe qui n'ait ses dettes ?
    Quel est l'homme qui ne meurt pas insolvable envers son père ? il lui doit la vie, et ne peut pas la lui rendre. La terre fait constamment faillite au soleil. La vie,
    Madame, est un emprunt perpétuel ! Et n'emprunte pas qui veut.
    Ne suis-je pas supérieur à mes créanciers ? J'ai leur argent, ils
    attendent le mien : je ne leur demande rien, et ils m'importunent !
    Un homme qui ne doit rien ! mais personne ne songe à lui, tandis
    que mes créanciers s'intéressent à moi'.

    Madame Mercadet.

    Un peu trop !... Devoir et payer, tout va bien ; mais devoir et
    ne pouvoir rendre, mais emprunter quand on se sait hors d'état
    de s'acquitter ! je n'ose vous dire ce que j'en pense.

    Mercadet.
    Vous pensez qu'il y a là comme un commencement de...

    Madame Mercadet.
    J'en ai peur...

    Mercadet.

    Vous ne m'estimez donc plus, moi, votre...

    Madame Mercadet.

    Je vous estime toujours, mais je suis au désespoir de vous voir
    vous consumant en efforts sans succès : j'admire la fertilité de vos conceptions, mais je gémis d'avoir à entendre les plaisanteries
    avec lesquelles vous essayez de vous étourdir.

    Mercadet.

    Un homme mélancolique se serait déjà noyé ! Un quintal de
    chagrin ne paie pas deux sous de dettes... Voyons ! pouvez-vous
    me dire où commence, où finit la probité dans le monde commercial ?
    Tenez... nous n'avons pas de capital... dois-je le dire ?

    Madame Mercadet.
    Non, certes.

    Mercadet.

    N'est-ce pas une tromperie ? Personne ne nous donnerait un
    sou, le sachant ! Eh bien ! ne blâmez donc pas les moyens que
    j'emploie pour garder ma place au grand tapis vert de la spéculation,
    en faisant croire à ma puissance financière. Tout crédit
    implique un mensonge ! Vous devez m'aider à cacher notre misère
    sous les brillants dehors du luxe. Les décorations veulent des
    machines, et les machines ne sont pas propres ! Soyez tranquille,
    plus d'un qui pourrait murmurer a fait pis que moi. Louis XIV,
    dans sa détresse, a montré Marly à Samuel Bernard pour en
    obtenir quelques millions, et aujourd'hui les lois modernes nous
    ont conduits à dire tous comme lui : L'Etat, c'est moi !

    Madame Mercadet.

    Pourvu que, dans votre détresse, l'honneur soit toujours sauf,
    vous savez bien, Monsieur, que vous n'avez pas à vous justifier
    auprès de moi...

    Mercadet.

    Vous vous apitoyez sur mes créanciers, mais sachez donc enfin
    que nous n'avons dû leur argent qu'à...

    Madame Mercadet.
    A leur confiance, Monsieur !

    Mercadet.
    A leur avidité ! Le spéculateur et l'actionnaire se valent ! Tous
    les deux, ils veulent être riches en un instant. J'ai rendu service
    à tous mes créanciers ; tous croient encore tirer quelque chose de
    moi ! Je serais perdu sans la connaissance intime de leurs intérêts
    et de leurs passions ; aussi jouais-je à chacun sa comédie.

    Madame Mercadet.

    Le dénouement m'effraie ! Il en est qui sont las de faire votre
    partie : Goulard, par exemple. Que pouvez-vous contre une férocité
    pareille, il va vous forcer à déposer votre bilan...

    Mercadet.

    Jamais, de mon vivant ! Car les mines d'or ne sont plus au
    Mexique, mais place de la Bourse !
    Et j'y veux rester jusqu'à ce que j'aie trouvé mon filon !...

     

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